Cette rubrique présente des articles, des chroniques et des analyses de différents journalistes et blogueurs sur les chansons et les albums de MeeK. La rubrique s'agrandira progressivement avec de nouveaux articles.
MeeK : la perpétuation d'un art perdu
Par Jean-Emmanuel Deluxe
(Journaliste, Label manager indé)
Mais qu’est-ce que c’est que ce MeeK-là ?
Quand j’ai découvert pour la première fois les chansons de MeeK il y a bien une dizaine d’années, je n’en revenais pas ! Comment un musicien basé en France pouvait-il produire une pop aussi pure, du niveau des plus grands maîtres anglo-saxons du domaine ? A de rares exceptions dont Bertrand Burgalat, Héléna Noguerra et quelques autres, quand j’entends la radio française j’ai envie de pleurer. C’est comme si nous étions tous renvoyés en arrière, avant que la Pop Music débarque dans l’Hexagone. La France n’a jamais vraiment compris la Pop Music, fort heureusement de Polnareff (période 60’s) à Bertrand Burgalat, il y a eu quelques heureuses exceptions. Dans ce panthéon, la place de MeeK est unique. Lui est un artisan qui affine son art à chaque album. Une pop song qui nous accroche instantanément et nous élève l’âme, nous semble constituer l’évidence même... Alors qu’il en a fallu des années de dur labeur pour obtenir une expression aussi pure de son art. MeeK est trop élégant pour nous infliger sa cuisine et il préfère laisser ses chansons parler pour lui.
J’ai découvert MeeK avec l’album "Psychotique", alors tel un couple qui se retrouve après 20 ans en se disant : « c’est notre chanson », cet opus occupe une place unique et sentimentale dans mon cœur. Avec des titres tels que "Le Papillon Junkie", MeeK osait jouer avec le pathos sans tomber dans l’impudeur.
"Psychotique" est un album qui rejette le second degré, l’ironie (qui bien souvent n’est que la posture des cuistres) pour rejoindre une totale honnêteté et une fraîcheur revigorante, quand bien même certaines de ses chansons sont quelque peu torturées. Croyez-moi, il est bien plus facile de se complaire dans une écriture musicale faussement complexe et des paroles cryptiques. MeeK avec "Psychotique" m’a définitivement acquis à sa cause. Depuis, dès qu’il sort un album, je ne peux que m’enthousiasmer en constatant que la barre a encore été montée plus haut. En cela, cet opus fait office de mètre-étalon !!! Jamais dérivative ou sombrant dans le pastiche ou le "revivalisme", la pop de MeeK n’est rien d’autre que la brillante perpétuation d’un art perdu, celle de la mélodie roborative qui nous permet de toucher du nez les nuages.
MeeK, thanks for the music !!!
MeeK : mi-Christ mi-Mephisto
Par Frédéric Streiff
(Attaché culturel/critique musical)
Mélomane dans l'âme depuis l'adolescence, mes deniers sont consacrés grandement aux achats de galettes musicales. Vinyles dans un premier temps puis numériques lorsque le CD a fait son apparition. Je pourrais être actionnaire majoritaire de la Fnac tellement j'ai contribué à remplir leurs caisses enregistreuses. Adhérent de longue date, et jusqu'au boutiste, j'ai régulièrement acheté les compilations "Indétendances" au fur et à mesure de leurs publications, bonne initiative pour découvrir de nouveaux sons, de nouveaux artistes, de nouvelles chansons.
Le numéro 10 en l'an 2003 m'a fait découvrir entre autre un auteur-compositeur que je n'attendais pas à cet instant précis. Je n'attendais rien d'ailleurs, j'aime la musique, un point c'est tout !
Une chanson subtile et merveilleusement Pop, ma musique favorite, depuis longtemps. Pour commencer, un son cristallin, une mélodie sucrée, une voix qui se démarque de celles entendues jusque là dans ma discothèque... Des paroles tellement particulières, inhabituelles, originales... Un ovni musical vient de se glisser dans mes tympans pour ne plus les quitter, comme la cire qui se forme dans nos oreilles sans que l'on n'ait rien demandé et qui revient perpétuellement s'y déposer, il paraît que c'est signe de bonne santé.
"Psychotique"... Jamais un tel titre pour une chanson n'avait été tenté à ma connaissance. Mais why not ? Un plongeon dans cette nappe musicale m'a immédiatement fait du bien. Ce personnage qui arrive à se passer à côté sans jamais se rencontrer... J'ai voulu en savoir plus et j'ai dans la foulée acheté l'album en question. Mon écoute s'est faite d'un trait et contrairement à d'autres disques écoutés de manière fastfoodienne, je n'ai pas zappé chaque morceau au bout de 30 secondes pour passer au suivant... L à je n'ai pas réussi à couper l'écoute de chacun d'entre eux, j'ai naturellement écouté chaque titre du début à la fin, dès la première écoute de l'album.
Que de variété... Je veux dire de compositions diverses et variées, de textes plus surprenants les uns que les autres, de musiques différentes mais tellement bienfaisantes. On devine un être à part. Comment arriver à placer dans une parfaite mélodie pop des histoires de papillon junkie, de gros poisson, de Christ-Mephisto et citron, de clés à molette, de tulipe décapitée, de gros boudins, de l'élégance d'une vache ? Ce côté décalé dans le texte se marie si bien à de parfaites mélodies construites avec une précision d'horloger suisse... Le tic tac de ces chansons est d'une précision, d'une perfection musicale rarement entendues ailleurs. MeeK est décalé, hors norme, hors concours, hors tout... Et je suis tombé sous le charme de son premier opus qui m'émeut de la première à la dernière note. Certains disques marquent une époque de notre existence, puis se retrouvent rangés sur l'étagère en toute immobilité , ce n'est pas le cas d'un "Psycothique" qui se trouve toujours un peu décalé dans ma collection, dans le sens ou il est toujours un peu en avant par rapport aux autres, il n'a jamais le temps de prendre la poussière, j'aime le sortir telle une boîte de Pandore.
MeeK ou Mephisto, c'est selon !
Une pochette psychanalitique
Par MeeK
Je voulais que la pochette de ce premier album reflète exactement ce qu'il y avait dans le disque, tant dans la forme que dans le fond. Chacun des éléments correspondait à quelque chose de précis, une idée, un concept, une référence ou un clin d'oeil à quelque chose qui avait influencé mon écriture.
L'original (1973)... re-dessiné en 2001
Le petit garçon
Le petit garçon, c'est moi quand j'avais 3 ans. Mon enfance est centrale dans tout ce que j'écris. Je me rends souvent compte qu'en fait, quand je chante ça n'est pas l'adulte qui chante, c'est généralement le gamin que j'étais dans les années '70. Certaines de mes mélodies rappellent presque des mélodies pour enfants, je pourrais dire que c'est fait exprès mais en fait pas du tout... Le gosse que j'étais prend généralement le compositeur que je suis en ôtage et je n'y peux rien. L'univers que je veux décrire est un univers assez puéril finalement, dans lequel je réagis et je raconte des choses comme j'aurais pu le faire à cet âge-là, sans m'encombrer du Politiquement Correct ou d'hypocrisie. Et comme par hasard le son de mes voix est aussi un son un peu enfantin...
On me dit souvent que lorsqu'on écoute mes harmonies vocales, on ne sait pas très bien s'il s'agit d'un choeur de filles, d'enfants, ou de femmes avec des enfants...
Sur cette photo, il se trouve que je ressemble un peu à l'enfant du film de Stanley Kubrick "Shining" avec Jack Nicholson, et Kubrick est l'un de mes héros de toujours. Ce film m'a marqué, son ambiance est psychiatrique comme celle de mon disque. Cette ressemblance est une coïncidence, je ne l'ai pas fait exprès mais j'ai sauté dessus quand on me l'a fait remarquer. On ne peut pas refuser
un signe comme celui-là.
Le citron
Le citron sur l'épaule du gamin évoque l'acidité que je mets souvent dans mes paroles. Mes textes sont souvent empreints d'un léger sarcasme, il y a un peu de violence, des images agressives, quelque chose qui gratte et qui pique dans le fond. Ce qui m'intéresse,
c'est le décalage entre une musique plutôt harmonieuse et des textes qui mettent des gifles. Le citron représente mes paroles, le gamin représente ma musique.
La guitare molle posée sur la table Louis XVI
La guitare molle posée sur la table est une référence à Salvador Dali qui est sans doute le peintre que je préfère.
Le surréalisme est essentiel dans ce que je raconte et dans certains truquages que je pose sur mes voix: la plupart des sons dans mes productions sont filtrés ou distordus ou bizarrement équalisés. En tout cas dans "Psychotique" j'avais laissé peu de sons purs et naturels. J'aime l'illusion, le trompe-l'oeil. Je me considère d'une certaine façon comme un illusionniste. Ecrire des chansons, c'est un peu faire des tours de magie : dans mon cas, c'est faire à partir de rien des tableaux en trompe-l'oeil, des sketches et finalement du théâtre.
La table Louis XVI est quant à elle symbolique du côté un peu précieux de ce que j'écris, un peu baroque et sophistiqué ou faussement sophistiqué. Certains le prendront au premier degré, d'autres au 36ème. Mes chansons sont libres d'entrée. Chacun y prend ce qu'il veut.
Le parquet
C'est une référence à Van Gogh et à certains de ses tableaux comme "Le Café de Nuit". Qui dit Van Gogh dit folie bien sûr, ou déséquilibre psychique pour le moins, donc "Psychotique".
Le passage clouté
Le passage clouté au milieu du couloir est une référence à Abbey Road. Que dire de plus ? ;-)
La porte entrouverte
La porte entrouverte en arrière plan, c'est la porte de la folie, du déséquilibre: deux notions
essentielles pour moi. La folie est un thème dangereux mais que je trouve exaltant parce qu'il s'approche de la poésie pure et qu'elle rejoint évidemment le surréalisme. Tout est donc lié. Et après cette porte, c'est le grand saut, l'inconnu, soit la mort, soit le néant, soit le renouveau. On ne sait pas. Comme après l'écoute de mon disque. Je ne veux pas donner de réponse dans ce que j'écris. Je ne veux que poser des questions, rire un peu, envoyer des claques et juste après faire des bisous pour faire passer les claques.
Les murs
Les couleurs bizarres et irrégulières du mur autour de cette porte font un peu penser à des soubresauts et à des perturbations mentales justement. C'est un mur chatoyant, aux teintes mal définies, on ne saurait vraiment dire de quelle couleur il est en fait... Ce mur parfumé au Photoshop ressemble à mon album.
Un conteur d'histoires émotionnelles
Par Whitt Brantley
(Agent artistique)
En tant que directeur de l'agence artistique WBMT litterary, music, cinema & TV, mon travail consiste à emplir l'agence des talents les plus forts, les plus uniques que je puis découvrir à travers le monde. Après être tombé sur la vidéo de MeeK "Six Feet Under", j'ai réalisé que cet artiste était d'un talent extrème que l'on pouvait déceler dans ce son unique, cette créativité et cette façon d'interprêter cette musique, ces mots, ces rythmes et ces progressions harmoniques, ainsi que, je l'ai noté, dans une exceptionnelle capacité à créer des harmonies vocales qui font ressortir une immense émotion dans la narration des chansons. J'ai appris plus tard (sans surprise) que MeeK était considéré comme un maître multi-instrumentiste. Il reste l'un des musiciens et interprètes les plus doués que j'aie jamais connus et continue de générer une base de fans toujours plus internationale.
"Plus fort les éléphants !..."
Par Nadia Rollin
(Journaliste, blogueuse)
Peu de temps après la sortie de son second album "Margaret Et Ses Bijoux" en 2004, MeeK est tombé gravement malade et s'est retiré de la circulation pendant à peu près 2 années. A son retour en 2007 une nouvelle phase commençait, un nouveau chapitre en forme de rupture et le début d'un moment charnière qui le marquera probablement pour le reste de sa vie. Cette période à la fois trouble et exaltée restera à jamais symbolisée par cet album "Sortie De Secours" et son hit Indé international "Six Feet Under". Un album où pour la première fois MeeK cessait d'être "homme-orchestre auto-suffisant" pour devenir peu à peu musicien parmi d'autres musiciens. La chose paraît naturelle et toute simple pour la plupart des gens... Pas pour MeeK. Parce que le garçon est ce que l'on appelle un "autiste paradoxal". Incroyablement bavard, il parle et communique sans arrêt mais éprouve un mal fou à établir une réelle communication avec les autres, non parce qu'il ne les aime pas, mais parce qu'il en a peur et craint d'être rejeté. Et quand on a dit cela, on a décrit intensément à peu près 95% des créateurs et 200% de ce qui fabrique MeeK le bonhomme.
MeeK : "C'était très nouveau pour moi à l'époque de travailler en équipe avec un groupe de gens, jusque là j'avais travaillé en loup solitaire plutôt... C'était devenu une sorte de routine un peu ennuyeuse et puis assez limitée pour plein de raisons. C'était le moment idéal pour changer les choses et m'ouvrir vers des nouveaux trucs et des suggestions extérieures. C'était 'écrit' en quelque sorte... Au départ on formait une petite équipe marrante en studio: Maxime Monegier Du Sorbier avec qui je co-produisais l'album (bien qu'en définitive Maxime était davantage 'l'ingénieur du son en chef' du projet), Paul Rochette l'associé de Monégier Du Sorbier à l'administration, et puis tous les talents musicaux multiples qui nous ont fait l'honneur de venir jouer sur tous ces titres : Pierre Cohen, Rémi Corot, Denis Morana, Nicolas Brunel, Nicolas lenti, Peter Sosin, Cyril Morana, Joseph Chédid, Charlotte Monégier et même une très jolie jeune fille dont j'ai oublié le nom et qui était venue jouer du violoncelle sur "Elle est tellement vieille"... Mais la pauvre jouait très maladroitement et désespérément faux, du coup on a fait rejouer toute sa partition quelques jours plus tard par un autre violoncelliste... Mais elle était sublimement belle et d'une grande gentillesse....
Paul Rochette, MeeK, Maxime Monégier Du Sorbier
...Je me souviens surtout des premières semaines très complices et vraiment jouissives au studio. Maxime et moi réagissions de la même façon devant l'écran du Pro-Tools parce qu'on avait exactement la même oreille, ce qui est très rare finalement dans un métier où jamais 2 personnes n'entendent exactement la même chose. Et d'une certaine manière nos goûts et nos cultures personnelles se complétaient : moi j'avais toute l'Histoire du Rock vintage, le côté 'historique' dans la tête, avec toutes les grandes références des grands albums de la Pop, et lui le côté 'branchouille', toutes les musiques actuelles Electro, la 'Hype' et tout le cirque.... Des éléments qui restent quand même importants si on ne veut pas se schléroser. Les gens du studio nous prenaient un peu pour des dingues parce que l'ambiance était souvent assez délirante, exhubérante et franchement joyeuse et rigolarde... Ceci dit, quand on passait aux choses sérieuses et au taf sur le son, ça devenait intense..."
L'album s'est enregistré d'une part à Paris dans trois studios au sein du même complexe situé dans le quartier du Sentier (les studios Raindrop et Tango Zoulou qui comptait à lui seul 2 studios) et dans le studio personnel de MeeK qui à l'époque se trouvait dans une maison du Sud de la France. La production s'est étalée sur plus d'une année.
MeeK : "Pour cet album, mon concept était simple: il n'y aurait que de vrais instruments, aucun son synthétique ! Que du vrai, de l'acoustique ou de l'électrique mais que du vrai ! Vraies batteries, vraies basses, vraies cordes... Dans 'Psychotique' et 'Margaret', les basses et les batteries étaient de vraies instruments mais elles étaient souvent mélangées à des sons synthétiques pour être réhaussées, et sur certains morceaux il s'agissait de samples que je triturais parce que je me sentais complexé par mon jeu..."
MeeK : "Et pour la première fois j'ai eu le plasir dingue d'utiliser de vrais cordes jouées par de vrais musiciens sous la houlette de Cyril Morana, ce qui n'a pas de prix. Ce moment incroyable où vous entendez pour la première fois votre petite chanson interprétée par un quatuor de violons, alto et violoncelles, c'est vraiment un choc. Vous 'voyez' votre morceau s'ouvrir littéralement et s'habiller de vrais vêtements, ça fout la chair de poule. Jusque là, quand vous chantiez votre chanson pour vous-même ou pour votre entourage, vous la faisiez simplement à la guitare acoustique ou au piano... C'était tout nu. Et là soudain vous l'entendez avec une formation classique sous des arrangements que vous avez dessinés et c'est carrément comme si vous passiez d'une mauvaise 2-Chevaux Citroën à une Rolls méga classe..."
Problème : pour le morceau "Les princes Morts" qui referme l'album, MeeK souhaitait un orchestre symphonique d'au moins 40 violonistes, violoncellistes et altistes, rien que ça... Mais comment faire lorsqu'on ne dispose que de 3 musiciens classiques ?
Solution : on les enregistre 15 fois en train de jouer exactement la même partition.
Résultat : 3 talentueux musiciens classiques X 15 prises identiques = un grand ensemble à cordes de 45 musiciens qui donne à l'album la conclusion élégante qu'imaginait le compositeur.
La majorité des batteries, des guitares électriques et quelques basses ont été assurées par Joseph Chédid et Cyril Morana. Jérôme Monod joue également des quitares électriques et la batterie de l'émouvante ballade douce-amère "You'll never die alone". A peu près 50% des basses de l'album ont été interprétées par le musicien électro-rock Mewsil, avec qui MeeK avait par ailleurs déjà travaillé en 2006 sur un duo écrit par ledit Mewsil et intitulé "It's snowing ashes" (sorti sur un EP 4-titres "Object to be considered as a sculpture".)
Pierre Cohen est venu également gratter des quitares électriques et acoustiques ainsi qu'une basse ébouriffante et discrètement funky sur "Le Gange Illuminé" qui sonne comme la grande cathédrale Pop de l'album. Un personnage pittoresque du nom de Rémi Corot est arrivé avec sa cornemuse celtique et sa flûte traversière, ce qui explique le parfum de Gigue irlandaise d'un morceau comme "Je vous aime immédiatement", que seul un artiste comme MeeK pouvait oser aujourd'hui et qui restera comme l'un des moments les plus attachants et délicieusement incongrus de l'album. Toutes les voix principales et les armées de choeurs sont assurées par MeeK évidemment, comme l'inhabituellement grave et suave chant sur le bijou intimiste "Elle est tellement vieille que tous ses amis sont morts" qui nous plonge dans l'ambiance feutrée d'un salon de thé aux banquettes de velours bordeau, évocation impressioniste d'une autre époque. Une brise de nostalgie sourde vous parcourt la moelle épinière lorsque ce morceau entre dans vos oreilles. Un des sommets du disque. Encore MeeK derrière toutes les harmonies vocales en cascades à pleurer sur l'aquarelle "Je vous parle de la pluie sur la mer". Toujours MeeK derrière toutes les guitares acoustiques rythmiques du disque, comme les fines flèches de "Willy Boy Scooter" ou de la sublime autoroute vaguement "garage" "Paris France". Lui toujours derrière les pianos résonnant dans les "Princes morts" ou la comptine psychiatrique "Maxime, ne fais pas l'enfant ! ", ironiquement et presque tendrement dédiée à un Maxime Monégier Du Sorbier qui n'avait rien demandé... Et partout des brouettes de percussions et de petits tambourins de cristal comme des grains de sable pop saupoudrés sur toute la longueur d'un album haut de gamme d'une petite heure environ. Comme d'hab. On ne se refait jamais totalement.
MeeK :"Même si je bossais seul jusque là, j'évoluais depuis des années au milieu d'une bande de musiciens assez pluridisciplinaires, l'idée était donc d'accueillir les participations de tout le monde et les talents multiples de chacun sans aucune restriction..."
Les séances furent bruyantes et tapageuses. MeeK sortait d'une période difficile humainement, le trop-plein devait jaillir. Il a jailli lors de ces séances. Pour le meilleur et pour le... Meilleur. Et tant pis si les connections interpersonnelles en ont pâti parfois. Selon toutes les études comparatives scientifiques connues, un artiste en période de création est à peu près aussi difficile à vivre qu'un typhon japonais ou qu'un tsunami asiatique. Mais que voulez-vous, les grands albums se font rarement dans le coton hydrophile. Comme les jeunes filles de bonne famille. Parce que tout ce qui compte à la fin : c'est la sortie. De Secours peut-être... Sorti du coeur toujours, sorti du ventre aussi, sorti de l'âme encore, âme torturée pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Sortie d'un grand album en tout cas, de ces albums riches qui prennent de la patine avec le temps et dont on découvre à chaque écoute des nouvelles beautées qu'on n'avait pas remarquées les fois précédentes. Famille d'albums qu'on ne fait plus que bien rarement par les temps qui courent, il faut bien l'admettre. De ceux que l'on écoute et ré-écoute non parce qu'ils sont 'hype' mais simplement parce qu'ils sont bons, en se disant "le mec n'a pas fait ça pour rien et il savait ce qu'il faisait "...
MeeK :"Pendant qu'on mixait le morceau 'Evaporée Charlotte Morphinique', il y avait un passage où 5 guitares électriques jouaient fièrement à l'unisson une espèce de solo qui faisait très 'marche militaire' et qui me faisait penser à la marche des éléphants dans 'Le Livre De La Jungle' de Disney. Et ces guitares n'étaient jamais assez fortes à mon goût. Et comme Max et moi chiadons nos mixages jusqu'à l'épuisement, j'ai dû passer à peu près une semaine entière à gueuler 'plus fort les éléphants' dans le studio... Ce qui est dingue c'est qu'aujourd'hui encore quand j'entends le morceau je trouve qu'ils ne sont toujours pas assez forts..."
MeeK :"Bien qu'il y avait des références et des clins d'oeil musicaux par ci par là, je crois que ce disque était mon premier véritablement personnel, je veux dire très 'moi', presque autobiographique curieusement... Je voulais aller plus loin dans ce qui m'était propre, et plus seulement essayer de séduire à tout prix comme dans les 2 premiers albums je pense..."
La chanson la plus connue de l'album est évidemment ce fameux "Six Feet Under", chanson-OVNI s'il en est et qui ressemble tant à son auteur-compositeur d'interprète... Une contradiction à elle seule : des paroles à double sens qui parlent de la mort sur une mélodie pop guillerette et enlevée. "Classiquement Pop" comme le dit nonchalamment MeeK, l'air à la fois sûr de lui et totalement perché à la cime de son monde parallèle dans le reportage original pour la sortie de l'album... Mis à part le charme évident et immédiat du morceau qui fait de lui ce que les anglophones appellent un "instant classic" (un classique instantané), la chanson est effectivement fascinante à cause de cette dichotomie entre l'esprit enjoué et donc positif de la musique et le côté sombre et particulièrement morbide des paroles qui se répètent comme un mantra hypnotique. "On and on, on and on you live and die and that is all... Encore et toujours on vit on meurt et puis c'est tout..." Typiquement le genre d'anomalie nihiliste qui aurait été écartée par la plupart des auteurs pop "normaux"... Mais le morceau fonctionne dès le premier accord des guitares acoustiques qui sonnent comme des petits coups de cravache dans la cervelle. "Six Feet Under" est probablement le morceau délicieusement anachronique qui restera pour toujours accroché au petit nom "MeeK" comme un entonnoir en or sur la tête d'un fou magnifique. Un "psychotique avancé" en somme ... Psychotique comme ce jeune homme grâcieux au regard de sale gosse que l'on voit dans l'élégant clip minimaliste du morceau réalisé par Emmanuel Bajolle, chantant sa chanson folle le regard insolemment planté dans l'objectif de la caméra comme s'il nous disait "je vais faire une grosse connerie rien que pour vous emmerder".... "Le mec est franchement bizarre mais c'est pour ça que je l'adore" est en substance ce que dit le gros demi-millier de commentaires sur YouTube...
MeeK :"Ce single est symbolique pour moi, c'est le dernier morceau que j'aie écrit avant mes soucis de santé de 2005 et ce titre était un hommage à cette série US qui reste pour moi un chef d'oeuvre et qui a bouleversé ma vie. Il fallait donc qu'il ouvre l'album pour qu'il y ait une continuité, pour boucler la boucle... Et puis c'est le single qui m'a présenté à un public beaucoup plus vaste et international grâce à YouTube et au Net en général. C'est la chanson qui m'a totalement épanoui et m'a 'accouché' en quelque sorte. Toute ma vie il y aura un avant et un après 'Six Feet Under', que ce soit la chanson ou la série."
MeeK : "C'est sur cet album que j'ai commencé à chanter d'un timbre un peu différent, j'ai libéré ma voix et j'ai commencé à en tirer une autre sonorité plus grave et plus 'forte'. La voix est ce qu'un chanteur a de plus intime finalement, et en modifiant ma sonorité j'avais l'impression d'enlever à chaque fois un vêtement et de m'exposer de plus en plus dénudé. Le disque proposait des vocaux de différentes tessitures et plus seulement ma voix de tête qui s'envole dans les aigus et qui prévalait tant sur mes 2 premiers albums. J'ai été pas mal aidé en cela par Maxime qui, pendant les prises, me martyrisait carrément, me malmenait pour que je dépasse mes habitudes vocales. Sur le moment c'était désagréable mais finalement ça m'a permis d'accoucher d'autre chose... "
MeeK :"Il y avait comme d'habitude beaucoup d'harmonies vocales sur l'album, parce que c'est ma spécialité, c'est mon son et qu'un musicien ne peut jamais totalement aller contre ce qu'il est profondément. Mais mon identité sonore avait déjà pas mal évolué, mûri et elle s'émancipait peu à peu de mes 'tics'... C'était une période très bizarre émotionnellement pour moi, vraiment troublée. J'entendais la vivre à fond la caisse et produire le meilleur de ce que je pouvais produire avec la précieuse aide d'artistes un peu plus jeunes que moi et d'univers très éloignés du mien. Ce disque, c'était un pari sur moi-même en fait. Je me forçais à me mettre dans des situations inconfortables pour provoquer quelque chose, pour voir ce que ça allait donner. En gros, je voulais me mettre en danger, à tous les niveaux, pour sortir des trucs qui me ré-inventent et qui ne me seraient pas venues sans ça....'Sortie De Secours' a été plus qu'un simple album, ça a été une thérapie."
MeeK :"Cette aventure m'a changé, elle m'a appris des choses même si je les ai parfois apprises à mes dépens. Cet album restera très important pour moi pour ce qu'il représente symboliquement dans ma vie personnelle et dans mon évolution artistique. Humainement, j'y ai laissé beaucoup de plumes. Pour mille raisons dont beaucoup ne dépendaient pas vraiment de moi. Maxime et Paul avaient eu une éducation à des années-lumière de la mienne et venaient d'un milieu social très différent. Je n'avais pas compris à l'époque qu'en fait ma musique ne les intéressait pas vraiment et que j'étais pour eux une façon comme une autre de se lancer dans le métier, car ils venaient juste de monter leur société... Et tout cela est de ma faute en fait, à l'époque j'étais naïf et très entier comme mec, c'est à dire que lorsque je bossais avec quelqu'un ça ne pouvait pas être seulement et purement 'professionnel'. J'avais besoin d'instaurer coûte que coûte une relation affective et personnelle, c'était un truc constant chez moi et Dieu merci ça m'a totalement passé et tant mieux. Aujourd'hui je serais plutôt trop sauvage voire carrément autiste (rires)... Mais si les choses se sont passées comme ça à l'époque, c'est qu'elles devaient se passer comme ça. On ne peut pas ré-écrire l'histoire même si elle vous laisse des arrière-goûts amers. C'est une aventure qui m'a professionellement et musicalement incroyablement bien préparé pour l'album d'après et pour les épisodes qui ont vite suivi juste derrière, heureusement. Ça m'a notamment appris à mieux choisir les gens dont je m'entoure, Dieu merci. Tout ce qui compte finalement, c'est qu'on ait fait de la belle musique et ce qui me console des mauvais souvenirs est que l'album vieillit rudement bien. C'est déjà ça. "
Peu de temps après la sortie de l'album, MeeK a changé de vie, d'environnement, d'amis, de façons de travailler, de façon de s'amuser, de façon de grandir... Une fois de plus me direz-vous !... Il s'est éloigné des faux-amis pour aller vers les vrais, s'est éloigné des illusions pour aller vers sa vérité à lui. Fitsgerald disait : "La vie n'est pas tant quelque chose qu'on vit que quelque chose qu'on apprend." C'est à MeeK qu'il pensait en disant cela, c'est une évidence ! "Six feet under I lie but I've had you ! (Je gis six pieds sous terre mais je vous ai bien eus ! ) " chante-t-il... Allez donc savoir ce que pense vraiment un MeeK...
Page de vente de "Sortie De Secours" avec liens vers plateformes, streaming et tracklist : ICI.